Doyenné de Carentoir

La légende de Saint Jugon selon Malo-Joseph de Garaby

Auteur: Malo-Joseph de Garaby
Titre: Vies des bienheureux et des saints de Bretagne, pour tous les jours de l'année
pages 460 à 463
Éditeur: Saint-Brieuc, chez L. Prud'homme, imprimeur-libraire, 1839
Disponible sur Google Books : http://books.google.fr/books?id=AWqB2ci3hBQC

4 Juin. Saint JUGON, Berger.

Il naquit au village d'Haudiard en Gacilly. Long-temps on montra sa chaumière, et l'on indique encore le terrain qu'il labourait sur la lande. De bonne heure privé de son père, il cultiva pour nourrir sa mère son champ et son jardin, et en tira quatre fois plus que ses voisins d'autant de terre. L'enfant actif allait aussi sur les landes de Ségré et de Mabio faire paître quelques moutons et une vache, soutien de son petit ménage. Tourmenté par le désir de savoir, pour mieux faire, il alla, à deux lieues, chez un prêtre que le christianisme naissant venait de fixer dans la nouvelle paroisse de saint Martin-sur-l'Oûst.

Un jour que, selon sa coutume, il avait confié son troupeau aux pâtres de la lande, pour se rendre à l'école, un loup survint ; et, tandis que les gardiens jouaient, il tua la vache chérie et allait la déchirer, quand arriva la veuve appelant son fils. Averti par le ciel, Jugon accourut et obtint du Tout-Puissant que la victime se retrouvât saine et sauve.

À peine âgé de 16 ans, il tomba malade ; et, dans cette épreuve comme dans la santé, il pratiqua toutes les vertus chrétiennes et montra une résignation admirable. Entouré de ses parents et de ses amis, il annonça sa fin, les priant de faire conduire son corps à la sépulture par les bœufs blancs de son oncle, et de l'enterrer où ils s'arrêteraient. Bientôt l'âme de l'élu muni des secours de la religion, partit pour le ciel, et l'on remplit ses volontés. Une chapelle fut bâtie sur sa tombe dans les landes de Gacilly. Le laboureur y courut prier pour ses troupeaux et pour ses récoltes. On alla processionnellement baigner dans la fontaine voisine le pied de la croix, afin d'obtenir de la pluie ; les malades vinrent demander au nouvel habitant des cieux la fin de leurs souffrances et inclinèrent avec foi leurs membres endolorés, pour passer sous la pierre transversale du tombeau, à peine élevé d'un pied au-dessus du sol. La chapelle était spacieuse ; on y enterrait, ainsi que dans un cimetière au nord. Le propriétaire de la Roche-Gestin, dont l'édifice sacré dépendait, le fit réparer, vers 1760. Un Missel trouvé dans cette ferme, en 1838, porte ces mots : Pour servir à la chapelle de saint Jugon, en Carentoir, 1633. Des fondations furent attachées à ce lieu d'abord plus étendu.

Jusqu'en 1789, la Gacilly, avec sa chapelle, était sous la juridiction du doyen de Carentoir, dont l'Église gardait le chef du saint dans un ciboire de cuivre. Le dimanche dans l'octave de la Fête-Dieu, la relique était exposée à la vénération. Un prêtre, en surplis et étole, promenait le vase qui la contenait sur les pélerins prosternés. Le clergé de Carentoir allait de l'église paroissiale à la chapelle, portant en triomphe le chef du bienheureux ; et, après les prières des processions, le doyen mettait les fidèles sur deux rangs ; et, passant de l'un à l'autre, plaçait un instant sur chacun la tête vénérée. En 1793, ce précieux reste d'un saint enfant du peuple fut brisé et foulé aux pieds, et la soldatesque emporta le reliquaire. En 1838, la chapelle de saint Jugon fut réparée : l'évêque de Vannes la fit bénir par le desservant qui avait présidé à cette bonne œuvre. La messe y fut célébrée le 4 Juin, lundi de la Pentecôte, jour actuel de la fête du saint. Dans l'église de Carentoir, il est représenté en jeune berger, la houlette à la main. On l'invoque avec succès contre la fièvre et les maux de tête. Le peuple assure que jamais la grêle n'a nui dans la vaste frairie de saint Jugon. Quand la sécheresse brûle les moissons, les cultivateurs prient le recteur de conduire son peuple en procession, à la chapelle miraculeuse. Les paroisses de Carentoir et des Fougerets y vont pour la même fin. Voir l'ouvrage intitulé : Françoise d'Amboise, livre élémentaire d'Histoire Bretonne, par un Gacillien.